Histoire de pots d’échappement … Textes et photos de Didier Piteux

Cette histoire est simple au départ… Pots d’origine rongés par la rouille, de l’intérieur bien sûr pour cause d’activité trop sporadique. Moto quasi inutilisable sur son lieu de villégiature, sans troubler l’ordre public de ce charmant village breton. Cette année, promis juré, je les change ! Et ce, depuis… beaucoup d’années. 2001 fut la bonne…

L’enquête démarre chez Honda, bien sûr, à 12 000 F de l’époque, et s’il en reste une paire chez le concessionnaire de Papouasie Nouvelle-Guinée ou d’Alaska, autant dire l’Arlésienne et, de toute façon, pas dans mon budget de famille nombreuse.

L’occas’, bonne ou mauvaise, n’existant pas chez les récupérateurs, il va falloir se résoudre à monter de l’adaptable. Oui, mais… encore faut-il qu’il ressemble, d’assez près si possible, à l’origine dont je suis adepte. Des modèles, il en existe : des plus courts, plus longs, d’un diamètre plus petit, ne ressemblant que de (parfois très) loin à l’origine, surtout dans sa partie terminale… Je n’arrive pas à me décider.

Sur les entrefaites, j’apprends par internet qu’il existe un club CBX. Voilà donc la solution ! A ce moment, un peu profiteur (mea culpa…), je m’inscris, sous le numéro 662. Obsédé par mon problème qui commence à relever de la priorité (motocycliste s’entend, la vie en comportant de beaucoup plus importantes…), j’appelle notre ami Farouk qui, une fois n’est pas coutume, me déçoit avec beaucoup de diplomatie : c’est un des points noirs de la CBX, et lui non plus n’a pas de solution miracle. Retour à la case départ…

Je reçois mon premier maillon le n°53 avec L’Article qui me concerne, intitulé “spécial pots d’échappement”. A croire qu’il a été écrit à ma demande ! Egoïste, je néglige les premières pages (au demeurant fort intéressantes, mais je le découvrirai par la suite), et me jette sur l’article ou je découvre ce qu’il me faut : un superbe ensemble tout inox, réplique quasi d’origine. Emballé, j’appelle. Et là, premier “hic” : le prix qui, même justifié, dépasse ma raison. Famille oblige… De plus, expérience vécue avec ma BMW R 90 S, l’inox qui a toutes les qualités pour un véhicule qui reste (trop) longtemps sans rouler, jaunit en chauffant et est intolérant aux petits chocs éventuels. De plus les collecteurs sont évidemment à simple paroi, contrairement, comme vous le savez, à ceux d’origine qui sont doubles, ce qui leur évite de bleuir. Dans 10 ans je regretterai peut être l’investissement, mais nous sommes aujourd’hui…

Arrivent les coupes Moto Légende. Mon premier rassemblement de motos depuis fort longtemps (“Chamois” ou êtes vous ?…), et, en tout état de cause, de CBX. Je m’y rends en… Ducati, mais pour ne choquer personne et paraître plausible, je la stationne à l’écart… Accueil chaleureux et convivial, déjeuner champêtre à l’odeur d’huile de ricin qui rappelle la jeunesse, et je vais espionner les CBX présentes. Je prends vite la mesure du problème, qui ne m’est pas personnel. A l’exception d’un exemplaire comme neuf, beaucoup de motos présentes sont en échappement adaptable, voire “perso”, ou d’origine mais parfois “limite”. J’en profite pour admirer un peu plus loin la ligne inox citée ci-dessus, mais… une gifle virtuelle plus tard, je ne me décide pas.

Mon obsession est tenace et, à tout hasard…, des fois que…, je demande à Farouk s’il y a du nouveau côté pots. Il m’annonce qu’il a pris des contacts avec des professionnels afin de faire fabriquer une série de pots conformes à l’origine… sinon rien ! L’affaire se précise et je m’engage, étant “parisien” à servir d’intermédiaire entre le club et le fabricant, en l’occurrence Monsieur VATTIER qui n’est pas le premier venu puisqu’il exerce depuis 40 ans. (Au fait Farouk, vu de chez toi, Paris c’est le grand nord, mais Paris-est / Pontoise, c’est l’équivalent de Vernosc / Lyon… et en plus, avec les embouteillages !…).

J’apporte donc ma vieille ligne d’échappement d’origine pour servir de modèle. Pas de problème majeur ne semble se poser à M. VATTIER (qui, en passant, réalise depuis longtemps un très bel ensemble 6 pots, tube / silencieux d’un seul tenant. Pub…). Mais rien n’est simple. Le club (et moi-même, voir plus haut) veut une réplique la plus fidèle possible. M. VATTIER ne tarde pas à faire savoir qu’il ne lui est pas possible de “répliquer” le fameux contre-cône terminal, constitué d’une pièce emboutie soudée à l’extrémité du pot, qui fait défaut à tous les adaptables, et pourtant le charme de ces pots. Il propose de faire sous-traiter la confection d’un outil d’emboutissage pour fabriquer cette pièce. Mais le prix annoncé est incompatible avec la quantité de pièces à fabriquer (inconnue à ce jour), en terme d’amortissement dudit outillage. Farouk ne perd pas le nord (…) et se souvient (ou devine, car je ne me rappelle pas le lui avoir dit) que j’ai éventuellement la possibilité de “bidouiller la ferraille” sur mon lieu de travail.

(Un peu long cet article, n’est-il pas ? Je vais essayer de faire court, mais j’ai toujours du mal…)

Piqué au vif, je relève le défi. Car c’en est un pour moi, n’ayant pas de compétence professionnelle en la matière, de m’engager à fabriquer cet outillage. Je retourne chez M. VATTIER pour voir à quoi cela doit ressembler, et je prends la mesure des difficultés, c’est le cas de le dire : la matrice, pièce femelle correspondant au profil extérieur de la pièce finie, doit avoir un diamètre extérieur de 350mm et une hauteur de 150mm (poids 35kg) pour pouvoir être montée sur une presse de 40 tonnes et supporter les efforts qui en découlent. Le poinçon, pièce mâle, est à l’avenant et mesurera 120mm de diamètre pour une longueur de 250mm. Je ne m’attendais pas à de telles dimensions et me demande si de telles pièces se monteront sur le plus gros tour dont dispose notre atelier. 2e  problème, à cette époque les ateliers sont vides pour cause de vacances. Je ne sais pas ou sont rangés les outillages nécessaires, ou trouver les débits… De plus, n’ayant pas trop droit à l’erreur, je préfère m’attacher les services d’un “ancien”, capable de tourner les manivelles d’un tour conventionnel et de me conseiller pour usiner les 3 cônes successifs et inversés, car la plus grosse de nos commandes numériques n’accepte pas ces dimensions. C’est d’ailleurs bien dommage car je pense que le résultat aurait été encore plus fidèle.

Au bout de (très) nombreuses heures et jours de mesures, calculs, réglages, usinages, retouches… une matrice et un poinçon sont nés. C’est beau ! De façon très égocentrique nous sommes contents, tout en sachant que cela n’est que virtuel tant que nous n’avons pas la première pièce emboutie dans les mains. Nouveau voyage à Pontoise pour le verdict, à savoir un essai à la presse. Réglages… et c’est parti… La tôle de 1mm d’épaisseur se tord comme un vulgaire chiffon. Suspense… : pas mal mais peut mieux faire. Surtout que, pour cause de débit trop juste en diamètre chez le fournisseur de métal, le poinçon est un peu “juste” et le métal plisse. Je repars avec l’ensemble, un peu déçu, pour tenter de solutionner le problème. Je retouche le poinçon sans conviction et trouve une parade au plissage de la tôle : je vais “tricher” sur son épaisseur en achetant une plaque de 12/10e de mm. Petits veinards, à quelque chose malheur étant bon, vous gagnerez en durée de vie pour cette partie du moins, puisque les pots, eux, sont en 10/10e.

De retouches en finitions, et plusieurs voyages à Pontoise plus tard, j’en arriverai à confirmer l’adage qui stipule que le mieux est l’ennemi du bien, et qu’en conséquence, la raison me dit “stop” ! A force d’enlever des 1/10e de mm par-ci par-là, je commence à modifier certaines formes… Quel que soit le résultat, j’arrête. Dernier essai… Ouf ! il est correct.

15 jours plus tard, M. VATTIER ayant tenu ses engagements malgré l’imminence de ses vacances, le prototype des pots est fini. Je retourne une fois de plus, mais cette fois sans traîner les pieds, à Pontoise pour admirer (du moins je l’espère…) et prendre livraison de ce qui doit conclure des années de recherche. Mes attentes ne sont pas déçues : ni celle des années, ni celle du résultat, très soigné. M. VATTIER a du avoir pitié de moi et a corrigé les petits défauts subsistants ; je l’en remercie.

Reste à concrétiser sur la moto…  Enfin arrivé en vacances, ou elle réside, la pose des pots sera la cerise sur le gâteau du “lifting” que je lui ai accordé. Les petits problèmes ne tardent pas, car, quitte à m’être “pris la tête” depuis si longtemps, je ne vais pas tout gâcher par une mise en place bâclée. Elle doit être à la hauteur ; et c’est le cas de le dire, mais je n’ai pas les côtes d’entraxe et de hauteur au niveau des sorties. Or, pour souder les adaptateurs aux collecteurs, qui ont été préalablement coupés, le positionnement doit être rigoureux. Les adaptateurs sont simplement constitués de 2 tubes d’acier (1 par collecteur) fournis avec les pots, de même que les colliers de serrage. Heureux membres du club… Vous étiez presque tous en vacances lorsque je vous ai appelé pour vous demander les mensurations… de votre CBX… Je remercie au passage ceux que j’ai dérangé, en particulier celui dont j’ai perdu les coordonnées, qui m’a rappelé pour me renseigner. Après des heures d’hésitations, je me décide à pointer les adaptateurs sur les collecteurs, obligatoirement en place sur la moto pour garantir le bon alignement des éléments. Après protection soignée des zones environnantes, je prends le risque de la soudure à l’arc, ne voulant pas chauffer trop longtemps par une brasure le chromage neuf des collecteurs. Je ne suis pas un “pro” mais je vous rassure : pas de problème. Les tubes sont suffisamment épais pour supporter de la baguette de diamètre 2 mm (inox SVP !). Démontage pour soudure complète sur l’établi et petite touche de peinture couleur aluminium (spéciale cheminée, en petit pot) sur les soudures, et noire de même qualité pour la partie intérieure du contre-cône terminal pour ressembler à l’origine. Petit détail, après 2 000 km ce type de peinture tient très bien. Encore une inconnue : les cache-soudure d’origine pourront-ils se monter ? Pas évident avec la présence des colliers de serrage qui tombent évidemment au même endroit. Mais en trichant un peu, tout va bien sans les modifier. Dans un futur proche je dois revoir M. VATTIER pour parfaire l’emplacement des points de fixation. Je lui ferai part de ce détail et peut-être aura t-il une solution à ce petit problème.

Après tout ce temps passé, je me complais à admirer une fois de plus le résultat final, du moins esthétiquement. Car il reste une inconnue : le fabricant n’a pas pu me garantir le respect du bruit, car, n’ayant eu à sa disposition que des pots dont l’intérieur était vide, il a laissé son expérience faire au mieux pour les chicanes. Mise en route… Hélas pour moi, tant mieux pour les puristes : bruit identique à l’origine. A titre personnel, j’aurais préféré un peu plus “viril”, mais, fort de ce résultat, il sera possible d’adapter la fabrication au goût de chacun.

Le double “défi” que m’avait lancé Farouk consistait à profiter du Bol d’or, ce qui me donnait une fois de plus l’occasion de me rappeler ma jeunesse, pour présenter ces pots aux éventuels intéressés, et les soumettre aux critique(s), jugement et verdict des membres présents du club. J’ai failli ne pas tenir mes engagements, les trajets Bretagne / Paris puis Paris / Nevers se faisant sur batterie, sans charge… Je vous épargnerai le compte-rendu du “Bol”, d’autres articles le relateront mieux que moi, et surtout en plus court… En un mot : bravo !... Alertés par Farouk, les puristes ont jugé et apprécié : respect du look et du bruit d’origine. Seule manque la soudure fixant la pièce finale dont il est question dans cet article, réalisée en relief par Honda, et sans trace extérieure (après ponçage) par M. VATTIER qui n’est pas équipé pour la réaliser. Mais qui s’en plaindra ? Le “chicaneur” (le jeu de mots est facile, mais tentant…) verra bien sûr la différence, mais le respect de toutes les côtes extérieures est garanti : diamètres et longueurs ont été relevés sur une ligne d’origine de modèle “Z” 1979.

PS 1 : ce petit service rendu au club me dédouane un peu vis à vis de tous ceux qui y contribuent beaucoup plus lourdement.

PS 2 : un grand merci à Laurent GAZIN pour son dévouement et bravo pour la pertinence de ses articles.

PS 3 : qui viendra au secours de mon problème de charge ?

PS 4 : je me tiens à votre disposition pour tout renseignement complémentaire. Didier PITEUX : 01 43 74 09 68 / 06 83 85 66 39 / didpite@yahoo.fr.

Bravo

Les nouveaux silencieux : un grand merci à Didier Piteux pour son aide à la réalisation de ce projet et pour le travail conséquent que cela lui a occasionné. Nous avions largement sous estimé ce que cela représentait. Nous apprécions le travail et imaginons toutes les contraintes de cette réalisation. Le résultat est vraiment à la mesure de l’effort fourni. Les adhérents qui pourront bénéficier de ces échappements lui en seront probablement reconnaissants.

Très important pour vous : le club va lancer une fabrication en série, le prix dépendra du nombre commandé mais sera compétitif par rapport à tout ce qui nous a été proposé à ce jour. Nous vous demandons de vous manifester rapidement par courrier au siège si vous êtes intéressés

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